7.12.22

Sous la douche, j’ai laissé l’eau chaude couler assez longtemps pour que, comme dans mon bain d’enfant, la peau de mes phalanges se fripe. Puisque c’est ici, et pas ailleurs, que j’ai envie de me trouver, je demeure encore un peu dans la brume chaude de la vapeur d’eau. Après des jours entiers faits tout de gris, le ciel semble se dégager un peu, par endroits, on voit du bleu. Mais moi, j’étais heureux sous ce ciel de bruine, dans la fraîcheur de l’hiver naissant. Je ne regrette pas le bleu de la Méditerranée. Je suis là où je suis. Et là où je suis, là se trouve la perfection. Comment puis-je dire cela alors que, d’un certain point de vue, rien ne va ? Je n’en sais rien. Une pensée en entraînant une autre, je me dis que je n’ai plus envie d’écrire de livres. Si quelque chose vient, je saurai l’accueillir, sinon, tant pis. Défaitisme ? Que oui ou que nenni, quelle différence cela fait-il ? Je crois que j’ai simplement envie d’être là où je suis. Pas ailleurs. Dans le moment même où j’y suis, ni dans le passé ni dans l’avenir. Alors, oui, en effet, il y a souvent trop de bruit (les sirènes de la police ont une vertu d’autant plus insultante que le motard, trouvant qu’elles ne sont pas suffisamment assourdissantes, abrutissantes, joue en plus du sifflet pour qu’on fasse place au cortège), oui, tout est sale, tout va mal, mais cela ne me fait rien, ne m’effleure qu’à peine — j’en ai conscience, mais c’est  une conscience superficielle qui, bien que très proche, demeure très lointaine, j’irradie. Dans la rue, je croise une dame qui porte un badge bleu blanc rouge fait maison — on le remarque notamment au fait que les bandes de couleurs ne sont pas disposées dans le bon sens — sur lequel se trouve écrit J’EMMERDE MACRON. Si tu cherches une image de ma civilisation, en voilà une. Mais ne cherche pas de réponses à la question : Comment puis-je vouloir y vivre ? parce que je ne le veux pas, je n’en ai nul désir, il se trouve que c’est comme ça. Est-ce une des raisons pour lesquelles je n’ai plus envie d’écrire de livres ? Comment nier, en effet, qu’entre Michel Houellebecq et Virginie Despentes, Michel Onfray et Mona Chollet, il n’y a guère de place pour exister ? Mais ce n’est pas cela — si c’est un argument, il n’est pas décisif, et je ne crois pas que ce soit un argument, rien que l’écume d’un argument qui n’est pas le mien —, c’est autre chose. Quoi ? Je ne sais pas, j’ai du mal à le définir. Peut-être qu’il ne le faut pas, le définir, peut-être que c’est un sentiment qui doit résister à l’enfermement de la définition et irriguer le langage différemment. Quelque chose qui doit être vécu plutôt qu’exposé de manière trop crue. Qui pourrait comprendre ? C’est une vraie question : qui ? À la librairie, amas de livres qui me donnent la nausée. Fuir.