La photographie ratée du 12 de la rue Linné n’est peut-être pas simplement une photographie ratée du 12 de la rue Linné mais aussi un signe. Un signe de quoi ? Qu’il ne faut pas être touriste en sa propre ville, dirais-je. Pourtant, il y a quelque chose qui tient de cela, non ? Non, je ne crois pas. Quand je marche dans Paris, comme je l’ai fait aujourd’hui, je ne le fais pas en tant que touriste, mais en tant que, en tant que quoi ? En tant que flâneur ? Non, le mot ne convient pas qui me semble tombé en désuétude, j’entends : il n’est plus de notre temps. Or moi, que je l’aime ou non, ce temps, que j’aime en être ou non, j’en suis. Alors que suis-je quand je marche ? Je ne sais pas ; — faut-il toujours se nommer ? Faut-il toujours se ranger quelque part ? Quand, précisément, ce n’est pas l’immobilité de la catégorie qui convient, mais l’élan du x (l’inconnue, l’indéterminé) qui se déplace, un x — quel que soit son genre, sa classe, sa race, que sais-je encore ? — un x en mouvement échappe à toute définition : est-ce un passant, un revenant, un fantôme, une apparition ? Il n’y a pas de réponse définitive à la question. X = quelque chose, peut-être, oui, mais quoi ? X = quelque chose, ou peut-être pas. Le trou de cette équation étant creusé, qu’y a-t-il au 12 de la rue Linné ? Oh, pas grand-chose, en vérité. Rien qu’une plaque où se lit la phrase suivante : « L’écrivain Georges Perec a vécu dans cet immeuble de 1974 à 1982 », plaque sur laquelle quelque esprit malin semble avoir partiellement effacé les e de Gorgs Prc. X = e. Qui sait ? Passant par là ces derniers temps, je me suis souvenu que l’immeuble où Georges Perec avait vécu à la fin de sa vie se trouvait dans les parages, mais où ? Je ne le savais plus exactement. Toutefois, je n’ai pas eu envie de chercher, ce n’était pas l’information que je voulais trouver, mais c’était le lieu que je voulais voir, l’atmosphère que je voulais sentir, ce je-ne-sais-quoi qu’on ne sent, qu’on ne perçoit que quand on est là, aussi ne l’ai-je pas fait. Et passant par là aujourd’hui, j’ai vu l’immeuble, et la plaque. J’en ai fait la photographie. J’ai vu que la photographie était ratée, mais je n’ai pas insisté (je n’ai pas refait la photographie, je n’ai pas effacé la photographie), j’ai passé mon chemin. « Parages » rime avec « passages ».