27.12.22

À mi-chemin entre le poète et la divinité, Robert Walser et Ulysse, j’ai marché une vingtaine de kilomètres sur le chemin entre Cotignac et Correns, aller et puis retour. Perfection azure du ciel, soleil sans péchés de l’hiver, si je ne puis vivre ici, c’est probablement que j’aime la Méditerranée, que j’aime la Provence, en l’occurence, que j’aime la Méditerranée d’un amour d’esthète, de puriste, de dieu, lequel amour n’a nulle place autre que paradoxale, une place sans lieu spécifique, une place générale — pas abstraite, non : omniprésente. Cet amour n’est presque plus un amour humain, c’est un amour animal, un amour olympien. Comment trouverait-il à s’enraciner ? — Il ne le peut pas. Il est destiné à traverser, franchir, s’affranchir de la terre où les pieds viennent se heurter à la pierre. Même si le calcaire les harasse, même si dessus ils dérapent, je sais que je vole. Et que, s’il existait, je verrais le fond de l’être. Mais l’être est inutile : je vois le fond de l’air, le fond de l’atmosphère, je vois tout, d’ici jusques à l’autre côté de la réalité. Malgré elle-même, ai-je envie de dire, la distance s’abolit. Pourtant, j’ai marché quatre heures : quand je suis parti, il faisait grand jour et, quand je suis rentré, la nuit tombait. Combien de temps aurais-je voulu marcher ainsi ? Jusqu’à épuisement, sans aucun doute, jusqu’à ce que nul pied ne se mette plus devant l’autre, jusqu’à ce que le réel s’évapore. Non, même si je l’aime, je ne pourrais vivre en ce pays, parce qu’il est devenu illusion et que, jamais plus, l’on ne pourra gratter l’apparence pour découvrir ce qu’il y a dessous : il n’y a plus rien dessous, les dieux sont morts et les philosophes aussi, tout ce que je puis, c’est chanter le chant de cette disparition, de cet oubli, et trouver la force surhumaine de m’en réjouir.