vingt janvier deux mille vingt-trois

Au lieu de continuer à tourner en rond entre les quatre coins des deux hémisphères de mon cerveau, je me lève et vais faire quelque chose qui ne requiert pas ma présence. Comment se fait-il que j’aie toujours le sentiment de ne pas avoir ma place au monde, que nulle part, ce n’est fait pour moi, que personne ne me comprend, comment se fait-il que je ne parvienne jamais à trouver nul endroit où ce moi qui est le mien puisse s’épanouir ? De fait, ce moi, j’en viens à la trouver suspect. Comment en serait-il autrement ? Ce que je fais ne va jamais, ne convient jamais, ne plaît jamais. Nul, non avenu, comme son auteur. Hier, pourtant, face aux infrabasses immondes de mes débiles voisins, ne fus-je pas imperturbable comme John Cage ? C’est dire que je me transforme, que je me métamorphose sans cesse, que ce moi dont je parle ici ou là n’est pas une chose, pas une entité, c’est un des noms que je donne à la vie qui est la mienne, considérée si l’on veut de mon propre point de vue. Toujours plus de cheveux blancs, toujours aussi peu de gloire. Est-ce que la vie va continuer ainsi jusqu’au bout ? Et, est-ce encore long jusque là, jusqu’au bout ? Les versions du monde que l’on me propose ou que l’on m’oppose, je les trouve d’un ennui mortel. Terrible comme l’immensité bruyante, le mur du son de cette bêtise manifeste tout autour de moi. Il m’arrive, je ne le cache pas, je ne le feins pas, à quoi bon ? il m’arrive réellement d’avoir peur, d’être terrorisé par ce monde dans lequel il m’a été donné de naître et de continuer de vivre et auquel je me sens si étranger. Combien de fois me suis-je senti moi-même imbécile, incapable de rien comprendre à cet amas de choses laides et insensées, incapable de rien comprendre à ce galimatias qu’on nomme le bruit du monde ? C’est vrai que je me sens affreusement seul. Je ne dis pas que j’ai raison de me sentir ainsi, je me contente de dire comment je me sens. Pratique égoïste, onaniste voire, mais tant pis. Pas d’humeur aujourd’hui à enrober, déguiser, cacher sous un vernis brillant le fond mat de l’océan au milieu duquel, perdue, flotte l’île que je suis. Demain, si l’on me prête vie, je renierai tout ce que j’aurai dit. En attendant l’éventuelle palinodie, je ne consens pas à faire semblant de tenir debout.