neuf mars deux mille vingt-trois

Je viens de relire le texte que j’ai écrit hier. Étrange. Cette histoire, j’ai l’impression que je l’ai écrite il y a un an. Et qu’en même temps, pendant tout ce temps, elle est demeurée très proche de moi. On lit une biographie en quelques jours et on ne se rend pas compte que ce sont cinq années qui se sont écoulées dans la vie qui nous est racontée. C’est long, cinq années. Il peut s’en passer des choses, en cinq années. Des gens peuvent mourir, en cinq années. Des guerres peuvent être déclarées, en cinq années. Des amours naître et passer, en cinq années. Et qu’en reste-t-il ? Pour la majeure partie de l’humanité, rien. Pour quelques-uns d’entre nous, des feuilles de papier qui racontent tout cela. Mais c’est une illusion. Tout cela a disparu il y a si longtemps qu’il n’y a plus aucun sens qui subsiste. Tout est faux. Ce qui n’empêche pas que le livre soit bon, non, c’est autre chose. Rien ne nous sauve de la mort. Même les écrits, c’est du vent. Le monde de Kafka (c’est à sa biographie par Reiner Stach — que je dois rencontrer demain — que j’ai consacrée ces derniers jours, passant mes journées plonger dans le livre, des heures et des heures de lecture épuisantes, et à quoi je consacrerai sans doute aussi la semaine prochaine pour espérer donner une forme au matériau de l’entretien, enfin, je ne sais pas, on verra bien), le monde de Kafka, la guerre était en train de le détruire, et personne ne s’en rendait réellement compte. Tout est étranger. Tout est si étranger. Et encore, Kafka était un génie. Moi, je ne suis qu’un imbécile qui fait des phrases. Je repense à cette histoire et je ne sais qu’en dire. Probablement qu’elle ne vaut rien. Mais je ne suis ni enthousiaste ni désespéré. Elle a été écrite, c’est ce qu’il pouvait lui arriver de mieux. Pour le reste, cultivons le secret (comme un carnet).