neuf avril deux mille vingt-trois

Cette nuit, j’ai rêvé que Nelly et moi squattions une maison. C’était une grande maison provençale construite sur un terrain en restanques. Nous l’avions déjà louée via airbnb, raison pour laquelle les voisins ne semblaient pas surpris de nous y voir, mais pas cette fois. Pour une après-midi, la propriétaire ne dira rien, nous disions-nous, hésitant toutefois à la prévenir que nous occupions sa maison pendant quelques heures en attendant. En attendant quoi ? Daphné sans doute. À un certain moment du rêve, Nelly me disait : « Viens, j’ai besoin de toi ». Elle montait à l’étage où je la suivais dans les escaliers. Ensuite, je la regardais de dos, nue, en train de tirer les rideaux. C’est à ce moment-là qu’à mon grand regret je me suis réveillé. Ce dimanche, le matin était calme dans Paris. Relativement calme, plutôt. Et moi, me sentant plein d’énergie, après être allé faire deux, trois achats, malgré mon ampoule qui ne devait pas tarder à me faire mal (un peu, un peu plus, c’est variable), je suis allé courir. Pas très longtemps, non, rien que le temps de transpirer, de me sentir vivre et de constater que, même si je ne passe pas à la télé et que je vends beaucoup moins de livres que lui, malgré mon ampoule au pied, je cours quand même plus vite que Laurent Gaudé. Ensuite, je suis rentré à l’appartement en marchant dans le calme des rues toujours plus relatif. Seuls les touristes font du bruit, on dirait, cependant qu’ils avalent ces cafés qu’on peut trouver dans le monde entier, s’enfilent des burgers à n’importe quelle heure de la journée. Mais du moment qu’ils dépensent leur argent chez nous — c’est à cela et à cela seul qu’ils servent —, la France est prête à tolérer tout, même de n’exister presque plus, de n’être qu’une immense station touristique, qu’une sorte de lupanar muséal. Moi, que la France ne soit plus, cela ne me dérange pas plus que cela, non la seule question que je me pose, c’est celle-ci : on met quoi à la place ? Et là, force est de constater que ça ne fait pas vraiment rêver. Je regrette d’avoir écrit ces phrases. Non tant à cause de leur manque de vérité, mais parce que ce n’est pas ainsi que j’ai envie de voir les choses. Mais c’est ainsi que sont les choses. Je sais, je sais. Et alors ? Eh bien, parfois, faute qu’elles soient autrement, je préférerais les voir différemment. Comme un touriste ? Peut-être, oui, peut-être qu’ils sont plus heureux que nous, les touristes. Plus heureux et plus bêtes. Oui, l’un ne va pas sans l’autre. De l’autre côté de la France, un immeuble d’habitation s’est effondré. Car c’est ainsi que tout est normal.