vingt-neuf avril deux mille vingt-trois

Face aux contingences de l’existence, n’être pas de marbre, mais devenir liquide. À Daphné qui pleure de colère et de déception parce que, aujourd’hui non plus, contrairement à ce qu’elle voulait, nous n’irons pas à l’abbaye de Landévennec, je cite de mémoire ce propos sur le bonheur d’Alain : c’est par temps de pluie que l’on veut voir des visages souriants. Citation inexacte quant à la lettre, mais non quant à son esprit. Un peu plus tard, dans l’après-midi, cherchant la phrase exacte pour palier le défaut de ma mémoire, je trouverai ceci, mot à mot fidèle à mon souvenir : « Eh bien, c’est surtout en temps de pluie, que l’on veut des visages gais. Donc, bonne figure à mauvais temps. », propos daté du 8 septembre 1910. Sagesse bourgeoise, certes, mais qui, si elle l’est en grande partie, n’est pas absolument imbécile. Face à ses contingences, laisser glisser l’existence sur soi, comme  glissaient ces gouttes de pluie qu’enfant, fasciné, je regardais couler le long de la vitre de la voiture qui roulait, sans se laisser atteindre par elles. Se concentrer au contraire sur ce qui, de ces contingences, indiquent, révèlent, relèvent d’une certaine nécessité, la nécessité de l’ordinaire. Quelque chose se transforme, quelque chose vit, quelque chose devient et nous pouvons suivre ce cours, nous pouvons nous faire à son image, tel quelque dieu protéiforme. À la lumière de ce qui me semblera le premier soleil de l’année, dans le jardin de mon Olympe miniature, je laisserai la haine que nous inspire le monde s’en aller sans faire de bruit, et la chaleur me caresser. Visage gai par temps ensoleillé.