Cependant qu’une partie du monde s’apprête à poser une couronne de pacotille sur la tête d’un pantin et l’autre à l’admirer faire, je rentre à Paris. Dans les environs de je ne sais plus trop quelle ville de banlieue, par chance, le files se divisent et la majeure partie des automobiles prennent la direction de Lille. Adieu. Et en avant. Après, je ne sais pas. À ce moment, c’est Nelly qui conduit. Paris sera toujours Paris, il paraît qu’il en est ainsi. Avenue du Maine, je contemple les façades des immeubles, incrédule ou pas, cela non plus, je ne le sais pas. Devant le Zeyer, je me dis que je n’ai jamais mis les pieds dans cette brasserie. Pourtant, je m’en souviens, alors que, depuis Marseille, nous cherchions encore un appartement à Paris, la présence d’un tel établissement dans les alentours m’avait semblé un argument en faveur de la vie du côté d’Alésia. Et pourquoi pas ? Il y a quelques semaines de cela, après être passé dans les environs, j’avais dit à Nelly que la rue Gassendi, quand même, c’était sympa. Qu’à cause de moi, qui suis un travailleur pauvre, nous n’ayons pas les moyens d’acheter notre résidence principale, cela, c’est vrai, n’était pas entré en ligne de compte dans l’économie de ma remarque. Ensuite, y pensant, je me suis dit que c’était absurde, évidemment. Avant de quitter Paris, je m’en souviens, c’était un sentiment qui avait pesé dans la balance de mon désir de quitter Paris, que, voyant les façades des immeubles de Paris où j’aurais pu avoir envie de vivre, je me disais que jamais je n’aurais les moyens de m’acheter un bel appartement derrière. Qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ? Je ne sais pas. Peut-être que je m’en fous. Le monde est ouvert, c’est une question de mentalité. La majorité de la population (les riches, les pauvres, les sédentés, les sédentaires, les immigrés, les migrants) ferme le monde. Qui l’ouvre semble toujours perdant. L’est peut-être vraiment. Mais ne peut s’en empêcher. C’est une question de mentalité. On naît comme ça ou on ne naît pas du tout, on se contente d’hériter (la richesse, la pauvreté, que sais-je ?). Je ne sais pas trop ce que je raconte. J’ai retardé le moment d’écrire. Je n’en avais pas trop envie. Non, ce n’est pas que je n’avais pas trop envie d’écrire, écrire, il y a longtemps que ce n’est plus une question d’envie, c’est une seconde nature, c’est que j’avais l’impression de manquer d’énergie pour. Les gens voient un texte et se disent, du moment que c’est écrit, c’est tout la même chose (le relativisme barthésien petit-bourgeois de province), et plus on s’enfonce dans une parodie d’existence où de fantoches monarques parodient le pouvoir sous les yeux exorbités de l’humanité, et plus cela semble normal, mais ce n’est pas vrai, rien n’est normal, rien ne va de soi, la norme n’est jamais que l’expression d’anciens préjugés, ils semblent naturalisés, c’est vrai, mais c’est faux. En vérité, ce sont les réalistes qui aiment le moins la réalité. Avec eux, la réalité est grise, impersonnelle, lointaine. Ils préparent le monde à la tyrannie : leur principe est un prince intouchable, sans commune mesure avec l’expérience commune. Et l’air entre les choses devient irrespirable. Kitsch.