Faut-il s’étonner de mal dormir quand on s’endort en n’ayant pas envie de se réveiller ? Je me disais qu’ils avaient raison tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, estiment que je suis un parasite. Ne suis-je pas paresseux, veule, paresseux, veule, et lâche ? Mon Dieu, mon Dieu, me disais-je, mais quel Dieu ? Dieu ne répond jamais. C’est le grand muet. En fait, je n’ai pas si mal dormi que je viens de le laisser entendre. Mais, ce matin au réveil, j’ai eu le plus grand mal à ouvrir les yeux. Il m’a fallu une heure, peut-être, peut-être plus, avant d’y parvenir. Et quand j’y suis enfin parvenu, je travaillais déjà. Ensuite, je suis allé courir sous la pluie. Qui tombait de plus en plus fort. Pataugeant dans le tour du jardin, flac, pluiche pluiche, floc, à aucun moment je ne me suis demandé ce que je faisais là, question que je m’étais posé pourtant, dans la nuit précédant le sommeil, qu’est-ce que je fais de ma vie ? rien de tout cela n’a de sens, et tout, et tout, et tout, mais quoi ? Il arrive qu’on ait l’impression de comprendre quelque chose, quand même cette chose que l’on comprend, on ne dirait pas précisément que c’est une bonne chose, mais il semble qu’on la comprenne, qu’on puisse la cerner, à cette nuance près que, la cerner, c’est l’enfermer, en faire une chose, précisément, quand il y a de fortes chances que ce ne soit pas une chose. Nous mettons des choses partout (des choses étendues, des choses pensantes, toute sorte de choses), alors que nous avons besoin de moins de choses, de toujours moins de choses, de déchosifier le monde, et le moi, et tout, quoi. C’est peut-être la raison pour laquelle, courant, ou marchant, ou écrivant, je n’ai pas l’impression d’être un parasite, je n’ai pas l’impression que ma vie est vaine, qu’elle est gâchée, perdue, que je ne sers à rien, que le monde se porterait mieux sans moi — le monde et tout le monde —, les choses que je fais alors ne sont pas des choses, mais des mouvements, des attitudes, des gestes, des sens, des choses, comme le langage, des choses qui ne sont pas des choses, on dit des choses mais ce sont des façons de parler, pas des manières d’être. À en juger par le seul bruit des sirènes des véhicules qui hurlent (police, ambulance, que sais-je encore ?), on meurt moins en vacances et pendant les jours fériés que le reste de l’année. Ne faudrait-il pas, dès lors, pour sauver le monde, déclarer que chaque jour est un jour férié, que désormais la vie, ce sera les grandes vacances ? On mourrait moins, on vivrait plus. Mais qui partage une telle utopie désertique ?