quatorze mai deux mille vingt-trois

Se méfier de soi quand s’allument les zones du cerveau où s’exprime l’intérêt. Ne se trompe-t-on pas soi-même ? Pour croire exister, vivre. Maximum de distance aujourd’hui entre moi et les choses. Je veux rester dans ce retrait. Qu’il y ait plus d’air que de choses. Que tout me semble lointain, flou, indistinct, indifférent. Pas de lumière, aussi peu de vie que possible, la réduire à sa plus simple expression : peu de mouvements, écrire, un point, c’est tout. Pourquoi ? Autre question : comment se fait-il que, systématiquement, je me retrouve à faire le contraire de ce que j’avais décidé de faire ? Est-ce pour me gâcher la vie ? Pour me donner des raisons supplémentaires de me morfondre ? Pour détruire, saccager, gâcher, ruiner ? Cette manie, souvent, me dégoûte. Ne se trompe-t-on pas sur soi-même ? Oui, me dis-je à présent, et si c’était moi, si cette personne-là, cette personne que je ne veux pas être et que je suis pourtant, si c’était vraiment moi ? Si j’étais réellement faible, veule, grossier, imbécile ? Je ne veux pas être cette personne-là, je la suis. Étrange formule. Pas fausse, toutefois. Pas fausse du tout. Que faire de ce moi que je suis et ne veux être ? Comment le changer ? Quelle métamorphose lui offrir ? Comment le détruire sans tout détruire ? Faut-il tout détruire ? Pas assez d’air entre les choses. Je me disperse, incapable de me concentrer sur une chose et une seule chose, incapable de m’obséder, d’aller au profondeur, d’aller toucher le fond des choses, non, pas le fond des choses, d’aller toucher le fond de la chose. Je veux moins, mais fais toujours tout — ce que je ne veux pas faire. Dormir. Je crois que j’aurais pu ne pas cesser de dormir. Rien que, quelques minutes, m’éveiller, écrire, me rendormir. Activité minimale. Vie minimale. Rien de plus. Si rien de plus, alors rien de trop. Rien que ce qu’il faut. Pour quoi ? Je ne sais pas. Faire des phrases. Ne vont-elles pas toujours au même endroit : au fond des choses ? Et alors ? Pas le fond des choses, le fond de la chose. J’ai le cerveau défait. Il serait prêt à accepter n’importe quoi pour sentir quelque chose s’allumer, briller, illuminer. C’est un leurre. Ne te fais pas avoir. Sois plus sensible, sois plus sensé. Quand il n’y a pas assez d’air entre les choses, on étouffe. Où est-ce, le fond de la chose ? Pas assez loin, peut-être.