Avec R., les idées deviennent des révolutions. Échange de mails. Du moins, est-ce là mon impression. Comme, enfant, une promenade en forêt devient une aventure, une expédition. N’est-ce pas ce que nous recherchons tous, ce dont nous avons fondamentalement besoin, et cela même que nous avons oublié ? La vie, le désir, quelque chose déraisonnable, la passion. Qu’est-ce que c’est ? Nul ne le sait. Que R. y soit pour quelque chose ou qu’il n’y soit pour rien, penser à lui comme à une révolution, cela ne va pas de soi. C’est plutôt l’image que je me fais de lui, lui que je n’ai jamais vu, pas même l’image de son visage (oui, il faut croire que c’est encore possible), qui oriente mes pensées quand elles se tournent vers lui. Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment le saurais-je ? Je sais toutefois qu’il faut parfois qu’elles se tournent dans cette direction-là. Après-midi à Saint Germain en Laye, avec A., D., E. G., N. et S., quasi l’alphabet, parc et forêt, marche et coup de soleil, j’ai le nez qui brille et les lèvres qui brûlent. À quelques kilomètres près, la mare deviendrait l’étang de Walden. (Il faut que je lise enfin et jusqu’au bout tu sais quoi. Oui, mais et tu sais quoi ? Oh, ta gueule.) Comment ferions-nous pour exister si nous ne croyions pas un peu au moins à nos fictions ? Être l’enfant que nous fûmes ou que nous n’avons pas été, n’avons pas pu être. Rêver. Pas prendre ses rêves pour la réalité, non, pas confondre, non, inventer, faire, défaire, refaire, imaginer. L’utopie est une fiction et puis le monde change et puis l’utopie n’est plus une utopie c’est la réalité et puis il faut une autre utopie et puis et puis. Au loin les bâtiments d’acier, de verre et de béton. La Défense. On dirait que c’est écrit dessus, qu’il faudrait tout brûler et laisser naître une immense forêt. Au lieu de quoi, voici tout ce qu’il y a : des mondes imbriqués dans des mondes imbriqués dans des mondes imbriqués dans des mondes jusqu’à l’ennui. Comment s’y retrouver ? On ne le peut pas. On ne le peut pas. Je jette un œil et cet œil rebondit sur la paroi de l’univers. Tout un art d’être. Mais pour quoi faire ? J’ai envie de savoir. J’ai envie d’ignorer. Étrange, non ? Non, étanche. CQFD.