Parfois, il me semble qu’il suffit de se mettre à écrire pour écrire. Que ce n’est pas une affaire de sens, d’intention, de quelque chose à dire, mais de présence, de détermination, d’application, de souci. Ce n’est pas une remarque d’ordre général, remarque selon laquelle, peu ou prou, tout le monde serait écrivain ou pourrait le devenir — les quantités innombrables de livres qui se publient chaque année apporte la preuve irréfutable de ce fait —, mais quelque chose de plus personnel. Je ne sais pas si quelqu’un s’est déjà fait une réflexion de ce genre — bien sûr que oui, diraient de toute façon les tenant du tout a déjà été dit, ceux-là même qui sont responsables des quantités innombrables de livres qui se publient chaque année, etc. —, mais que ce soit le cas ou non, cela ne fait pas une grande différence. Je ne sais pas exactement ce que cela veut dire, que faire d’une pensée de ce genre, ni s’il y a seulement quelque chose à en faire. Aujourd’hui, on dirait sans doute que c’est mon ressenti, mais qu’est-ce que cela veut dire ? Ce n’est pas mon ressenti, écrire, c’est tout à fait autre chose, même si c’est intime, c’est ouvert, il faut que l’air circule, il faut que quelque chose se passe, que quelque chose passe. Et c’est peut-être cela que signifie ma pensée selon laquelle il me suffit de me mettre à écrire pour écrire : moins une affaire de présence que de disponibilité, d’ouverture, d’écoute. Il se passe toujours quelque chose, il faut s’y rendre attentif. Et nous savons tant de choses — nous avons enregistré des quantités si invraisemblables d’informations —, tant que nous n’avons besoin de rien savoir de plus que ce que nous savons déjà pour écrire. On peut dire la même chose en empruntant un autre chemin : on fait trop de livres et on n’écrit pas assez. Le paradoxe n’est pas qu’apparent — ce n’est pas simplement une formule —, il y a là quelque chose qui touche à la façon dont nous concevons l’écriture : en tant que telle (et alors il faut reconnaître qu’elle se réduit à la production de biens de consommations culturels, c’est-à-dire d’objets comme les autres, jetables, — les livres) ou bien du point de vue de la place qu’elle occupe et du rôle qu’elle joue dans nos vies (et alors ce n’est plus une machine à produire des objets, c’est une philosophie de l’existence, un art de vivre).










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