22.2.17
Un des clichés qui m’insupportent le plus : le « Bon qu’à ça » de Samuel Beckett (en réponse à la question posée par Libération : « Pourquoi écrivez-vous ? » ; question, il faut bien l’admettre, d’une intelligence rare). C’est sans doute une des raisons qui font que je n’aime pas Beckett. D’abord parce que j’entends toujours le nom d’un dictateur africain qui aurait du sang sur les mains et que ça me fait froid dans le dos, mais surtout parce que cette mauvaise pirouette convainc tous les bons à rien de la création qu’ils peuvent écrire, et bien pire encore, être écrivains, comme si un écrivain était une sorte d’inadapté social qui trouve à exprimer les petits ou les gros maux dont il souffre dans des livres qui lui sauvent la vie. Et de fait, le territoire de l’écrivain se trouve aujourd’hui réduit à presque rien, un petit lopin de terre, une enclave entre les murs de gloire maculés du triomphe de quelques stars de la plume, l’engagement de tous les révolutionnaires de papier qui ne semblent pas prendre la peine de se demander si, avant d’écrire des livres politiques, il ne faudrait pas — éventuellement — s’attacher à écrire de bons livres, tout simplement, et les bons à rien beckettiens qui font ça comme ils pissent leur bière dans la rue après avoir passé la soirée à picoler au pub.
La semaine dernière en Argentine (à Mar del Plata, précisément), la police a arrêté une bande de malfaiteurs spécialisés dans l’attaque de banque à main armée. La bande en question, composée de sept malfrats, était dirigée par un père et son fils, tous deux dénommés Jorge Luis Borges.
Tout le monde peut être écrivain, oui, mais ce n’est pas la question, non.