31.3.17

31.3.17

En ce moment, je me sens bien seulement quand je traduis. Le texte sur lequel je travaille n’étant pas excessivement exigeant, je peux me laisser porter par les deux langues, planer quelque part entre l’anglais et le français, dans le mélange des deux, une sorte de chimie linguistique bizarre. J’allais dire un éther, mais ce n’est pas cela, c’est vraiment un mélange dans lequel je me trouve en suspension quand je traduis. C’est là — dans ce mélange — que je me sens bien, le reste du temps, rien ne me va. C’est agaçant, pas que rien ne m’aille, non, que rien ne m’aille, que rien ne me convienne, et je n’aime pas ce rien-là, il me déplaît, il me parle d’un monde d’où je préférerais m’absenter. Dans les meilleurs contes de Sergio Pitol que je suis en train de lire, le narrateur voyage, et il a envie de disparaître, pas de mourir, mais de ne plus être là. C’est une sensation étrange de lire ces textes, voyager et disparaître semblant en quelque sorte synonymes. Moi, je ne voyage pas. Je me sens coincé à Paris. C’est étonnant qu’on ait fait une capitale d’une ville aussi petite, qui semble souvent plus repliée sur elle-même encore qu’une ville de province. Je ne voyage pas, non, mais je ne suis pas triste non plus, rien ne se passe vraiment, toujours ce mot rien, qui me convient peut-être, après tout, comme l’absence de ce que je pourrais vouloir, de ce dont je pourrais avoir besoin et qui se soustrait à moi ou alors semble se trouver à des centaines de kilomètres de toi — la mer et ce qui l’accompagnait avant, et peut-être encore bientôt, qui sait ?