11.11.17

Écrire, ce n’est pas forcément mieux que ne rien faire. D’autant que, quand on y pense, c’est étrange de consacrer du temps à écrire (plutôt, donc, que de ne rien faire, par exemple), d’inscrire des signes. Si tu imagines les raisons pour lesquelles une personne qui te ressemblait plus ou moins s’est mise un jour à écrire, tu te dis que c’était pour conserver son expérience et la partager. Mais quand tu imagines une autre personne, un peu plus tard dans l’histoire, qui s’est mise à écrire en se disant qu’elle écrirait quand même personne ne la lirait jamais, quand même elle ne partagerait jamais son expérience, pourquoi écrivait-elle ? même pas pour conserver son expérience (en un sens, tu n’as pas besoin de conserver ton expérience pour toi-même, tu l’as ton expérience, ou plutôt : ton expérience, c’est toi), mais alors pourquoi ? pour ne pas ne rien faire ? non, je ne crois pas. C’est en cela que c’est étrange, écrire. On comprend bien les gens qui écrivent pour la gloire, mais ceux qui savent que la gloire leur est interdite, que leur reste-t-il ? Ils ne passent pas le temps, non, mais alors que font-ils ? Ils attendent la gloire posthume, peut-être ? — Autant jouer à la roulette russe.

Écrire comme une taupe (Nietzsche).

N’en déplaise aux donneurs de leçons en tout genre (libréchangistes, islamistes, souverainistes, féministes, végétariens, sexistes, antisexistes, spécistes, antispécistes, racistes, antiracistes, et tutti quanti), une affirmation n’est pas un argument.

« À l’aide, gens secourables et de bonne volonté, une tâche vous attend : débarrasser le monde du concept de punition qui l’a infesté tout entier ! Il n’est pire infection. On n’a pas seulement placé ce concept dans les conséquences de nos actes — et pourtant, quelle monstruosité, quelle déraison il y a déjà à considérer cause et effet comme cause et punition — on a fait plus et, grâce à l’infâme sophistique du concept de punition, on a entièrement dépossédé de son innocence la pure contingence de ce qui advient. On a même poussé la frénésie jusqu’à enjoindre d’éprouver l’existence elle-même comme une punition, — on dirait que l’éducation de l’humanité a été dirigée jusqu’à présent par l’imagination déréglée de geôliers et de bourreaux ! » (Aurore, I, 13. Pour l’éducation nouvelle du genre humain.)

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