20.4.18

L’histoire est racontée par une bande d’enfants idiots qui jouent sur une plage déserte. Le monde leur appartient, tout est à leur portée, mais ils se contentent de jeter du sable et des cailloux dans la mer avant de se les jeter au visage cependant que leurs mères, un peu en retrait, leur crient qu’ils sont idiots. Les pères, eux, sont absents.

Carnaval à la crèche aujourd’hui. Il y a quelques semaines, quand nous lui avons demandé en quoi elle voulait se déguiser, Daphné nous a répondu en sorcière. Et même si les raisons de ce choix se situent sans doute plus au niveau d’une esthétique vestimentaire (avec un chapeau pointu !) que d’une conscience féministe déjà pleinement formée, nous ne pourrons pas que nous n’avions pas été prévenus.

Absence, défaut, manque, trou, vide — la lutte est continue, qui ne cessera jamais.

Pourquoi l’idée que l’on se fait de la morale, de l’ordre public, implique-t-elle la souffrance ? Comme si l’on finissait toujours par dire aux gens : vous n’êtes pas là pour vous amuser, vous êtes là pour souffrir, faire des sacrifices, manquer de tout, désirer quelque chose que vous ne réaliserez jamais. Gens mêmes qui dès lors trouvent des sortes de jouissances refuges (sexe, drogue, extrêmes, etc.). Alors que le but de l’existence est la jouissance, une forme ou une autre d’accomplissement supérieur, qui englobe et dépasse les souffrances nécessaires pour y parvenir. Alors qu’il faut dire aux gens qu’ils sont là pour jouir et s’amuser, même si cela n’est pas sans exiger quelques efforts puisqu’il faut bien souffrir pour exceller. C’est ce contresens moral-là qui justifie ensuite toutes les dictatures du sacrifice, le chantage à la faillite, la tyrannie de l’absence d’alternative, armes préférées des petits despotes à court d’idées : si ce monde est en faillite, eh bien, qu’il faillisse, nous en inventerons d’autres.

Ou, comme disent D&G, « penser, c’est toujours suivre une ligne de sorcière. »

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