Le paradoxe : si la vie avait un sens, vaudrait-elle la peine d’être vécue ? C’est vrai que tu peux penser que ça n’a aucun sens comme question, mais pourtant si tu y réfléchis un peu, tout change de forme, d’apparence, de dimension, de tout, de sens, oui, précisément. Si la vie avait un sens, elle ne vaudrait pas la peine d’être vécue, quelqu’un l’aurait déjà vécue pour toi. La folie, dès lors, la mauvaise folie, pourrait-on dire pour préciser ce que l’on entend par là, la mauvaise folie ainsi, n’est-ce pas de vivre sa vie, mais de chercher un sens à sa vie. Un sens qui ait du sens. Un sens a toujours du sens. Or, s’il a du sens, c’est qu’il a déjà été vécu, ce sens-là. Ce en quoi il n’a pas besoin de toi pour en avoir, du sens. Tautologiquement. Peut-être, d’ailleurs, le sens n’est-il rien d’autre que cela — un immense vampire qui attend de la vie pour se prolonger, vouloir encore dire quelque chose. Signifier. Signifier. Signifier encore. Le sens se nourrit de vies faibles, fragiles, pauvres qui, autrement — c’est-à-dire : si elles n’avaient pas besoin de sens pour se sentir vivre, pas besoin d’une explication, d’une justification, tout ce que tu veux —, se déploieraient sans lui. Des vies de tout le monde. Sauf qu’il est là, le sens : Tu fais quoi dans la vie ? Tu gagnes bien ta vie ? Qu’est-ce que tu as fait de ta vie ? Mon Dieu, est-ce que je n’ai pas raté ma vie ? Putain, c’est quoi cette vie de merde ? qui te suce jusqu’à la moelle, sans chance de jouir aucune, pas de place pour la jouissance dans le sens, c’est ou bien l’existence ou bien son absurdité. Tripotée de philosophes pour te l’expliquer. Aujourd’hui, même, ils ont quitté Saint-Germain-des-Prés pour passer à la télé.
Le sens, la vérité, on pourrait s’en passer.
— On pourrait se passer de tout, non ?
— Non, je ne crois pas, non.
Non.
Ce matin : ménage.
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, chante G.W. Sok de The Ex.
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