10.12.18

Il ne faut pas avoir peur de ne rien avoir à dire, dit-il, et il reconnut l’instant d’après que c’était une phrase étrange à dire. Mais peut-être qu’il s’agit moins de la dire que de la reconnaître. Ne vivrait-on pas mieux si on avait moins de choses à dire ? Des heures d’antenne gavées de visages inexpressifs qui commentent du vide, font l’actualité avant qu’elle ne se produise, et somment les individus, les groupes, le monde entier, de répondre à des questions dont les esprits factices, car étriqués, conservateurs et petits-bourgeois, ces esprits tristes cachés derrière des visages télégéniques ont décidé, eux, seuls, que c’étaient les questions auxquelles il était impératif de répondre. Marée noire de langage, matière visqueuse qui colle aux muqueuses. Condamnez-vous les violences ? Interrogatoire autoritaire, mortifère, sans autorité ni mort, sans rien que du vide, du vide qui engloutit tous les jours que Dieu fait la vie un peu plus. Il ne faut pas avoir peur de ne rien dire, mais il ne faut pas laisser les autres parler à ta place. Il faut donc accepter de parler dans le vide pour espérer faire taire tous ceux qui font profession de parler dans le vide. C’est à n’y rien comprendre. De toute façon, personne ne comprend rien. Si quelqu’un comprenait, ça se saurait, non ? Ou est-ce que personne ne s’intéresse à ce qu’il a à dire ? C’est la meilleure époque pour être maudit. Parce que plus personne ne veut plus être maudit, surtout pas. Plus personne n’aime les maudits, non plus, ou alors morts depuis longtemps, les maudits qui ne sentent plus ni la mort ni la crasse ni rien du tout, mais quelque gloire posthume qui les rend pour toujours purs, sains, saints, inoffensifs.

Le vent souffle depuis plusieurs jours maintenant. L’air est sec. On respire à la perfection. Est-ce que tu peux être maudit ici ? Je ne sais pas. Peut-être. Ou alors, c’est simplement Daphné qui est infernale en ce moment. Ça n’a rien à voir. Tu crois ? Je ne sais pas. Le Mistral rend fou.

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