Tous les jours, de nouvelles raisons de se fracasser la tête contre les murs, n’importe lequel, pourvu que celui-ci soit plus dur que mon crâne. Et si je ne le fais pas, je ne sais si c’est paresse, faiblesse, peur, à cause du monde qui est si absurde que se fracasser la tête contre un mur n’échappe pas à cette règle de l’absurdité cosmique, ou si je crois à quelque chose qui dépasse, transcende cet état de choses lamentable, l’état lamentable des choses, le cours du monde, la courbe que décrit l’univers, dont on ne sait pas où elle va et, comme on ne sait pas où elle va, cette courbe, se dit-on que, peut-être, elle pourrait aller quelque part de bien, et par suite on continue, est-ce que c’est ce que je me dis ? ou autre chose ? ou n’importe quoi du moment que je suis encore là, mais pourquoi ? Tous les jours, une raison de plus, une raison de moins. Pourtant, sans vraiment savoir pourquoi, chaque matin, avant sept heures, je me lève, et je sors, et je cours, et si cela je sais pourquoi je le fais, de quoi ce cela-là participe-t-il si tout le reste, ou du moins, soyons raisonnables un instant tout de même, l’immense majorité du tout de tout le reste, ne vaut pas la peine d’être fait, d’être vécu, d’être entendu ? Subi. Ce cela-là a-t-il un sens ? Si je ne cherchais pas de sens, c’est vrai, si je ne cherchais pas de sens, tous ces problèmes ne se poseraient pas, et je n’aurais pas envie de me fracasser la tête contre les murs parce que je me sens inutile, qu’il me semble que tout ce que je fais est en vain, et que, non seulement, il me semble, mais je sais que c’est vrai, qu’il y a peut-être d’autres vérités que celle-là, mais que celle-là en est une, en vérité. Mais je n’ai jamais cherché à chercher le sens. N’est-ce pas regrettable ? Est-ce que ça n’aurait pas pu tomber sur un autre que moi ? Je n’arrive pas. Je n’arrive à rien. J’ai envie de tout casser. Mais je ne le fais pas. Même pas ma tête que je ne fracasse pas contre le mur. Là pourtant, il y en a un et deux et trois et quatre, bien plus durs, tous ces murs, bien plus durs que ma tête, mais je ne le fais pas. Est-ce que l’envie de tout casser passe ? Est-ce que j’arrive à faire ce que je n’arrivais pas à faire l’instant d’avant ? Non. Alors. Alors quoi ? Alors rien. Se raccrocher aux choses dont on sait pourquoi on les fait ? Sauf que, s’il n’y avait qu’elles, on ne les ferait pas. On ne fait jamais les choses en soi. Il n’y a pas de choses en soi. Il y a des choses, peut-être, qui sont aussi tout ce qu’on en fait, tout ce pour quoi on les fait, sinon, on resterait là, à végéter. Vaudrait-il mieux que je végète ? Mais je ne fais que cela, végéter, ne sais rien faire d’autre. À quoi bon les choses ? Les choses, les psychoses.

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