Tellement de signes que, si on les effaçait, à la fin, est-ce que cela ferait une différence ? Sans doute parce que je suis plongé dans l’archéologie héraclitéenne depuis quelques jours, je me suis imaginé en écrivant la page d’hier que, des millions de signes consignés dans ce journal (plus de 2,1), l’immense majorité allait disparaître et qu’il n’en resterait plus que des bribes éparses que, dans n milliers d’années, des savants qui auraient appris la langue morte dans laquelle j’aurais écrit entreprendraient d’interpréter. Si tu avais la certitude que tout sera détruit, que tu seras trahi absolument, écrirais-tu quand même ? Comme si ce n’était pas ce qu’il se produisait toujours, et de toute façon, fragments ou non. Comme si quelqu’un allait encore prendre la peine de te lire dans 100 ans, 10 ans, 10 mois, 10 minutes. C’est ce que je me suis répondu. Et j’ai ajouté ceci. Autour de la notion de fragment s’est développée une sorte de mythologie qui me déplaît parce qu’elle semble postuler que tout naît ou doit naître à l’état de fragment. Alors que les fragments sont une défaite. Nous n’avons d’Héraclite que des fragments (alors que nous disposons des corpus platonicien et aristotélicien dans leur quasi totalité) parce qu’Héraclite est un vaincu. Celui sur qui nous usons nos yeux et nos esprits est un perdant. Et l’histoire ne fait jamais marche arrière. Est-ce pour cette raison qu’il ne faut pas se soucier de l’actualité, de la postérité, ne se soucier de rien, finalement, écrire comme une sorte de sauvage lettré ? Impression de rêver en grec alors que non, cela ne se peut pas, mais mes rêves sont nimbés de mots hellènes. Pas tout à fait le même phénomène qu’avec le latin, quand j’ai tenté d’en apprendre les rudiments, plutôt une atmosphère dans laquelle je baigne et que renforce le ciel bleu plus-que-parfait qui m’entoure. Est-ce ma réponse à la question ? Faut-il seulement répondre ?

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