5.7.21

Désir ou besoin de changer de façon d’écrire. (Y a-t-il vraiment une différence entre l’un et l’autre ?) Pas forcément pour ne plus écrire comme j’écris, mais pour écrire aussi autrement, trouver une autre écriture. Mais comment est-ce que j’écris au juste ? Ce n’est pas ce que je veux dire. Il ne s’agit pas de quelque chose de factuel ou d’objectivable, comme si je pouvais identifier les caractéristiques de mon écriture et dire ceci, il faut le changer, cela aussi (est-ce ainsi que l’on se représente le style, comme un ensemble de caractéristiques objectivables, identifiables, informatisables ?). Il ne s’agit pas de quelque forme objective, mais d’un sentiment. Et je me dis quelque chose comme ceci : après tout, si je n’écris rien que ce journal, c’est que je n’ai rien d’autre à écrire, peut-être, et ne faudrait-il, dès lors, pas que je le découvre ou l’invente, cet autre, que je m’invente une autre manière d’écrire ? On ne peut pas se réinventer tout le temps (il faut du temps pour le faire), mais ne pas se réinventer conduit à perdre son temps. Or n’est-ce pas que je ne cesse de faire ? Peut-être, mais une fois encore, ce n’est pas la question. Je me sens fatigué, las, je m’ennuie. Manque de perspective probable, je n’en doute pas, mais il faut les dessiner, ces perspectives : elles ne sont pas là qui m’attendent comme la tâche quotidienne qui attend le salarié sur son lieu de travail. Parfois, c’est étrange, il me semble que j’étais plus inventif quand j’étais salarié. Mais n’est-ce pas une illusion ? Les phénomènes étaient plus contractés, plus resserrés dans le temps. La dilution est un risque, elle aussi, cela ne me semble pas faire le moindre doute. Bien que je ne cherche pas la situation parfaite, qui n’existe pas, même si, en un certain sens, tout est parfait selon la façon dont on le regarde. Où trouver ce regard neuf ? Ou plutôt, non : comment me faire ce regard neuf ? Tout à l’heure, j’ai repensé à cette phrase de Proust qui dit qu’un roman dans lequel il y a de la théorie est comme un objet sur lequel on aurait laissé la marque du prix. C’est une faute de goût parce qu’il ne faut pas que l’on voie, le lisant, ce qu’il a coûté à son auteur. Quel rapport ? Je ne sais pas. Je conduisais ma voiture pour aller acheter des livres à la librairie, et je m’imaginais un dialogue avec quelqu’un que je ne connais pas, mais un dialogue qui pourrait avoir lieu si je parlais avec des gens, ce qui n’est pas le cas, parfois je le déplore, parfois pas, et je me suis souvenu de cette phrase, voilà tout. Comme dans ces rêves où l’on se trouve en relation avec des personnes que l’on n’a pas rencontrées. Est-ce à dire qu’on a envie de les rencontrer ? Ou sont-ce simplement des figurants de nos délires nocturnes ?