les nœuds de nos mains

Quand des bêtes innombrables auront mangé mes yeux,
penseras-tu à moi ou simplement que je suis devenu
de la viande ?
Bipèdes sans plus d’esprit, si nos pas sont de géant,
comment se fait-il cependant que tout nous adresse au néant ?
Je contemplais depuis trop longtemps peut-être
les fossettes au-dessus de tes fesses
et pensais ce faisant à une ville du nord
froide je crois, mais belle, où nous fûmes,
à nos mains rouges aussi et les nœuds de nos mains.
J’ai fermé les yeux depuis et me suis allongé dans le cours du fleuve,
dans l’espoir qu’il m’emporte,
mais non rien.
J’hésite — c’est vrai —, mais n’est-ce pas pour ton bien
et mon bien ou le bien de quelqu’un ?
J’ignore les formules, les mots par lesquels on fait advenir les choses,
tout ce que je sais faire, c’est suivre les veines rouges
qui cherchent leur chemin aux alentours de tes yeux verts —
vérité complémentaire du monde,
profil d’une statue dont le nez manquerait depuis des milliers d’années
— c’est la Grèce — c’est l’Égypte — mortes civilisations —,
et si c’était ainsi que je t’aimais,
ainsi qu’il fallait que je t’aime aussi ?

— R.A. Singleton