27.2.22

Que quelque chose ait lieu, n’est-ce pas fascinant ? Autrement dit, θαυμάζειν. Toujours cet antique et magnifique mot — merveilleux. Je ne me suis pas exactement demandé pourquoi je ne vivais pas dans le ciel, mais c’était peut-être l’idée. Durant quelques instants, tout était parfait : le temps, moi, le moment, la couleur, la lumière. Tout s’accordait à la perfection, harmonie musicale des choses entre elles, les sphères et moi. Je marchais dans la rue. Sur mon téléphone, je venais de lire l’expression « la guerre en direct ». Ça sentait la merde de chien. Tout était normal. Tout était comme d’habitude. Et pourtant, il y avait une beauté irrésistible, invincible. Là. Pas à portée de la main, mais partout, tout autour de moi et jusqu’au-dedans de moi. Beauté, mot discutable certes, pas seulement par les temps qui courent, mais par tous les temps, qui nomme toutefois bien le sentiment. Quelque chose vibre ou se tait. Quelque chose a lieu. Et tout est simple à ce moment-là. Il n’y a pas de problème. Ni question ni réponse, peut-être n’y a-t-il même plus de langage. Il n’y a rien à dire à personne. Ne crois pas pour autant que ce soit le silence. C’est en-deçà du silence. Avant le silence. À un autre niveau que le silence. La vibration pure et innocente de l’univers. La vibration pure de l’univers qui m’innocente. Un peu plus tard, déjà le temps n’était plus aussi parfait. Je regardais un autre enfant que la mienne jouer dans le jardin. Il avait l’air fou et magnifique à la fois. Il développait sa propre logique interne. Il était totalement dans le monde et totalement dans lui-même. La vision remonta alors à la surface du souvenir de cette fois où je m’étais surpris moi-même en train de développer ma propre série en entendant une remarque à mon sujet. J’avais pris conscience que j’étais dans le monde et cessé donc d’être dans le monde. Comment être dans le monde et avoir conscience d’être dans le monde simultanément, sans aucune distance entre l’événement et sa conscience ? Est-ce seulement possible ? Pour moi pour qui le langage n’est pas un détour, cette harmonie peut-elle avoir lieu ailleurs et autrement que dans et par l’écriture ?