Le bruit d’un moteur à explosion déchire le voile de silence dans lequel je voudrais m’envelopper. J’ai des courbatures jusque dans les doigts. Mais ce n’est pas à cause d’elles que j’ai du mal à écrire. Il y a tant de raisons de me taire. D’ailleurs, l’immense majorité ne veut-elle pas te faire taire ? Pour parler à ta place. Interminable monologue. Comme cette idée étrange d’élire un chef. Pour quoi faire ? Qu’il parle tout seul ? Qu’il parle tout seul. Mais n’est-ce pas paradoxal de désirer le silence et de déplorer qu’on cherche à t’y réduire ? À cette nuance près que, dans un cas, le silence n’est pas le contraire du bruit, dans l’autre, c’est la négation de la parole, comme si les portes de la cité se refermaient devant toi et te laisser seul, isolé. Du fond de mon lit, je contemple cette partie du paysage qui s’offre à moi. Douce lumière, mais le ciel s’est terni. De temps à autre, je jette un œil sur ce vieil homme dont c’est un peu le baroud d’honneur. Lui ou un autre, non, c’est vrai, cela ne fait pas de différence. Mais je me dis : pourquoi toujours ce besoin de crier, pourquoi ce besoin de haïr ? Je n’ai pas de pitié en moi, mais je n’ai pas de haine non plus. Aujourd’hui, je n’ai que de la fatigue. Et le sentiment de ma lourdeur. Nous sommes si faibles, si fragiles, un rien nous renverse et nous ferait disparaître. Tout ce que je puis faire, c’est écrire. Et continuer, malgré tout, malgré le dévoiement de la parole, l’instrumentalisation de toutes les dimensions de l’existence, leur soumission à la loi monétaire, l’industrialisation de la conscience. Je suis tout petit, je ne pèse rien, ne représente personne d’autre que moi-même, du fond de mon lit, qu’ai-je à dire qui rédime, rachète, sauve ? Rien. Tout.

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