5.4.22

Cette nuit, dans mon rêve, je transpirais tant que je devais écoper les flux de sueur qui inondaient mes cheveux et mon front à mains nues. Sauf que ce n’était pas un rêve, me suis-je aperçu en me réveillant inondé de transpiration. Je me suis levé, j’ai ôté mes vêtements trempés, j’en ai enfilé d’autres tout en essayant de faire le moins de bruit possible pour ne réveiller personne dans l’appartement, et puis je me suis rendu compte que je ne pourrai pas me recoucher dans ces draps détrempés. Alors, tout en essayant de faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller tout le monde dans l’appartement, j’ai pris ma boîte de mouchoirs en papier, ma couette, les deux oreillers que la sueur avait épargnés, mon téléphone, et je me suis déplacé dans le salon. Du Daybed de Pierre Paulin, j’ai fait mon lit de nuit, disposant la couette en sandwich de sorte que mon corps ne soit pas en contact avec le coussin d’assise transformé en matelas, des fois que les sueurs nocturnes me reprennent (symptôme d’omicron, vérification faite), et j’ai tâché de me rendormir, ce que je suis parvenu à faire, non sans mal, il est vrai. Un peu plus tard, j’ai consulté la une du Monde de la veille pour constater, qu’à moins de six jours de l’élection présidentielle — le Monde est, en effet, un journal du soir, même s’il ne l’est plus vraiment, de fait —, la rédaction avait jugé bon de consacrer autant d’espace à ce phénomène républicain, au fondement même de notre société, qu’à l’élection du quasictateur Orban en Hongrie, ce qui en dit long sur ce que pense la rédaction du Monde de l’élection présidentielle, titrant l’annonce de la chose d’un engageant « la dernière ligne droite », comme on aurait fait d’une course de vélo, et deux fois moins d’espace environ, qu’à la publicité pour un canapé 3 places, répondant au nom poétique de l’Albatros, 2290 euros, il y a des priorités dans la vie, eh oui. Est-ce parce que ses ailes de géant l’empêchent de marcher que ses concepteurs ont ainsi baptisé ledit meuble ? Le mystère reste entier. Ce n’est qu’un peu plus tard que je me suis aperçu que tout ceci était une histoire de canapé. Est-ce à ce moment-là que, bravant la quarantaine, j’ai décidé de sortir prendre l’air avec Daphné ? Probablement. Il faisait doux, le ciel baignait la terre d’un bleu azur, déjà les premières feuilles, les premiers fruits se formaient sur le figuier où Daphné aime à jouer dans le jardin. N’est-il pas absurde d’assigner à résidence une enfant en pleine forme (« Je m’ennuie », vient-elle de me dire, à l’instant — évidemment : elle devrait être à l’école avec ses camarades et non enfermée chez elle avec son vieux père grabataire), n’est-il pas absurde d’assigner à résidence une enfant en pleine forme au seul motif d’un test positif à un virus contre la propagation duquel plus rien n’est fait ? « Mais la vie est absurde », m’a répondu une petite voix sur un ton ironique. « Ta gueule ! », lui ai-je répliqué. Ce qui a eu le mérite de la faire taire. Miracle ? Qui sait ? De fait, mes souffrances n’excèdent guère celles que cause une banale rhinopharyngite, à laquelle je suis particulièrement sensible, il est vrai, mais dont on ne décède pas, en tout cas, pas dans la France du XXIe siècle, pas pour l’instant, du moins, n’insultons pas l’avenir. Non, n’insultons pas l’avenir. L’avenir s’en charge très bien lui-même. D’ailleurs, nous en faisons notre présent.