Si facile de perdre toute individualité. Une chose en entraîne une autre et, très vite, je ne suis plus là. Je suis toujours là, au même endroit où j’étais il y a quelques instants à peine, une minute, une heure, mais je ne suis plus là, quelque chose n’a pas bougé, mais quelque chose a disparu. Pendant ce laps de temps écoulé, où suis-je passé ? Qu’est-il advenu de moi ? Étrange expérience à faire, involontaire, évanescente : une mauvaise métaphysique, celle de monsieur et madame tout le monde, dirait que je me suis absenté, mais il n’y a pas un moi qui habite la coquille vide sans lui d’un corps modifiable à volonté. Où suis-je donc passé ? Mais nulle part, mais partout, mais n’importe où, dans ce là omniprésent qui m’entoure, ce monde, le social et tous les autres, où il est si facile de se perdre, si facile de perdre toute individualité. Démangeaison rouge dans le creux du poignet droit. De mémoire, j’en cherche la cause, mais ne la trouve pas ni trace de piqûre. Dehors, sous un ciel brumeux, dans l’atmosphère étouffante de cet été trop tôt (je consulte la météo, elle dit : température ressentie 39°C), on a payé des ouvriers pour raser le moindre centimètre carré de végétation sèche. Je me caresse doucement le creux du poignet droit avec le pouce gauche dans l’espoir d’atténuer, je crois, la démangeaison, un peu de salive, me dis-je, et je le fais, un peu d’eau fraîche, me dis-je, et je le fais, mais non, rien, me lève, étale une noisette de toleriane là-dessus, attends de voir si la crème produit un quelconque effet. En prends conscience : malgré la succession, tout a toujours lieu en même temps.

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