L’autre nuit, j’ai rêvé que Mel Gibson, le Mel Gibson de What Women Want, était alcoolique et qu’il devait arrêter de boire pour jouer un personnage alcoolique au cinéma, mais je ne sais pas si c’était avant que je rêve qu’un chien m’agressait cependant que sa maîtresse, une vieille dame, me disait Mais non, mais non, c’est juste pour jouer, avec l’accent marseillais, et même si, en effet, le chien ne me mordait pas, je ne parvenais pas à comprendre pourquoi je ne lui balançais pas deux ou trois coups de poing dans la gueule pour me défendre (ensuite j’allais au commissariat porter plainte contre le chien) ou après que j’ai rêvé qu’une personne dont je tairai le nom écrivait une lettre d’insultes à Nelly, du genre de celles avec des mots soulignés d’un trait violent et beaucoup de lettres en majuscules, une lettre aliénée, lettre que Nelly me montrait et à laquelle je ne comprenais rien si ce n’est que c’était une lettre d’insultes, donc, très violente et dans laquelle, me semble-t-il, mon nom était mentionné à plusieurs reprises, mais je n’en suis pas tout à fait sûr, peut-être que j’invente ce détail à présent, dans le rêve, Nelly était consternée par la lettre, et j’essayais de la réconforter en lui disant que ce n’était pas la première fois, mais plutôt la douzième qu’elle recevait ce genre de lettre délirante, pas de quoi s’inquiéter, et alors nous éclations de rire parce que, vraiment, les gens sont vraiment trop cons, je ne sais pas, non, mais est-ce que avant ou après, cela fait une grande différence ? je ne crois pas, non, contrairement au monde réel, où l’on essaie de nous faire accroire qu’il y a des avants et des après, dans le monde onirique, avant ou après, cela ne change pas grand-chose aux rêves, les rêves nous habitent, quand même ils sembleraient insignifiants, comme ces rêves dont je fais le bref récit à présent, consignant tout ce dont je me souviens, c’est-à-dire l’essentiel du contenu onirique, quand même ils nous sembleraient insignifiants, ils ne le sont pas, c’est à travers les rêves que nous nous parlons le plus sincèrement, les déplacements, les métaphores, les transpositions n’étant peut-être pas tant des façons de cacher le contenu du rêve que de le montrer : en effet, n’est-il pas vrai que plus le contenu onirique du rêve est fou, délirant, improbable, et plus il nous fascine, et plus nous le retenons, plus nous avons envie de le comprendre, alors que qui, non mais franchement qui, qui pourrait bien avoir envie de se souvenir d’un rêve dans lequel on va à la boulangerie acheter une baguette de pain, non mais qui ? un boulanger ? peut-être un boulanger, oui, un boulanger, bien sûr, mais alors, c’est un rêve érotique, est-ce que mon rêve avec Mel Gibson est un rêve érotique ou alors celui avec le chien ? peut-être, après tout, de nos jours, tout est possible, alors pourquoi pas un rêve érotique avec un chien, pourquoi pas ? Marché longtemps ce matin, sous la chaleur, soleil dur en gravissant la rue de la colline du Roucas Blanc, mais j’étais bien, j’étais heureux, et je ne pensais à rien, je ne faisais attention à personne, je mettais un pied devant l’autre, c’était tout ce que j’avais à faire, c’était tout ce que j’avais envie de faire, je laissais le bruit, la saleté, la privatisation de l’espace public par l’industrie culturelle, loin, loin derrière moi, et à un moment même, mais pas longtemps, quelques instants, je n’ai plus rien entendu que le bruit de mes pas sur la route, le bruit de ma respiration et le chant des infatigables cigales, 2 heures, 24 minutes et 25 secondes de marche très exactement, pour quoi, une seconde de paix ? Oui, mais la paix en vaut la peine.

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