4.8.22

Je cherche un poste d’observation d’où je ne voie rien. Et ne trouve, pour me satisfaire, que la vulgaire terrasse d’un bar-restaurant d’où l’on jouit d’une vue imprenable sur la plage, la baie, et puis l’horizon à l’apparence infini. De je ne sais où me parvient le son d’Asturias à la guitare. Bien ou mal interprété ? Je n’en sais rien. Je dirais mal. Heureusement, le vent rabat toutes les prétentions du son à exister de quelque manière que ce soit. Tout à l’heure, des doigts sur mon clavier d’ordinateur, j’ai écrit la date du jour et puis une phrase ou deux que j’ai effacées avant de les oublier et ne suis pas parvenu à écrire mon journal. Quelque chose n’allait pas dans ce dispositif. Je cherchais à retrouver les émotions de la veille et de l’avant-veille, mais cela ne me fut pas possible, elles n’existaient déjà plus et, pour en fait naître de nouvelles, il eut fallu retourner là-bas, ce que je ne voulais pas. Je ne peux pas être obsédé par nulle part, me suis-je fait remarquer, et j’aurais pu me répondre que nulle part, c’est partout — phrase ou une autre proche que j’ai déjà pensée et écrite quelque part —, mais cela ne me disait rien. Je ne veux pas me renier — au contraire, je veux vivre pleinement ma condition en plein air, ne dût-elle pas durer une éternité. Là, comme je suis, pieds nus dans mon maillot de bain encore humide (j’ai joué dans les vagues avec Daphné), dans son sweat-shirt, les cheveux et les pages battus par le vent qui me fait pleurer (j’en tiens pour preuve ces gouttes qui maculent la page vis-à-vis de laquelle j’écris — elles viennent de tomber de mes yeux qui ne cessent de cligner derrière les verres de mes lunettes de soleil), je trouve le meilleur endroit au monde où écrire, philosopher, parce qu’il n’est pas propre justement à l’exercice, parce que tout — j’entends, à présent qu’Asturias est fini, la musique qui provient du bar, j’entends les voix des touristes aux tables à côté de moi, j’entends les jeux de plage qui montent du rivage, j’entends le vent qui souffle dans les branches de mes Persol, j’entends le bruit que fait mon nez quand je renifle, j’entends les oiseaux qui hurlent à la mer — tout s’acharne à s’y opposer, manière de critère négatif de validité pour révéler la pertinence de l’activité : plus le monde social s’oppose à toi, plus il faut que tu continues dans cette voie. Aussi, ne cherche pas la normalité (elle est abjecte), cherche la meilleure façon pour toi d’exister — insiste. Je n’ai pas d’idées en ce moment, je me contente de vivre et l’écriture suit ce mouvement, assez peu intéressant, je le conçois, d’où ma vocation temporaire d’écrivain de plein air. C’est l’été et alors que, de toute part, on nous dit que la planète brûle, que la planète fond, que le monde court à sa perte, moi, qui n’aime plus trop la chaleur, ne la supporte plus — mais philosophiquement, si j’ose dire —, je fais ce qu’il me plaît et profite du temps qu’il fait.

1 Comment so far

  1. Pingback: 11.8.22 – cahiers fantômes

Commentaires fermés