douze avril deux mille vingt-trois

Ce sont les doigts oui les doigts même que j’ai d’abord du mal à remuer et je sens oui je sens que je pourrais m’enfoncer quelque part m’enfoncer dans quelque chose me fondre dans cela et n’en plus jamais sortir par aucun moyen par aucune force par aucun dessein ne plus jamais sortir de l’endroit où je me serais enfoncé il ne m’aurait pas englouti cet endroit quel qu’il soit cet endroit non il ne m’aurait pas englouti je me serais enfoui en lui je me serais fait lui et nous ne ferions plus qu’un lui cet endroit et moi envers son endroit mais mes doigts mes doigts que j’ai même du mal à remuer mes doigts sont-ce eux qui m’en empêchent qui me retiennent là où je suis ces doigts qui ne tiennent qu’à un fil eux-mêmes tellement ils sont lourds eux-mêmes tant ils sont gourds ces doigts qui ne tiennent qu’à un fil  que je ne vois pas ce n’est pas dire invisible ces doigts qu’ils me retiennent donc si moi je ne tiens à rien qu’au fil de mes doigts qui ne tiennent à rien qu’une tension infime inexistante quasi mais une tension qui ne rompt pas elle demeure tendue telle qu’en elle-même maintenue par je ne sais quel mystère le mystère des doigts le mystère de la tension le mystère de la vie qui sait distinguer un mystère d’un autre je ne me suis pas enfoncé non je me tiens encore à la surface mais à la surface de quoi cela je ne le sais pas et je n’ai pas la force de chercher à le savoir je me maintiens un peu comme de l’air se maintient en suspens comme ce peu si peu d’air qui flotte autour d’un nuage de l’eau qui s’évapore de l’eau qui part en fumée et moi je suis là dans cette fumée en suspens dans cette fumée pas flamme qui vive je ne tiens qu’au fil de l’air au fil de l’eau au fil des choses qui seraient peut-être si on les laissait sans qu’elles ne ressentent jamais le besoin de s’enfoncer de se fondre en quelque chose d’autre qu’elles-mêmes une chose est une chose mais qu’est-ce qu’une chose suis-je une chose que je sois chose tout chose oui sans doute cela mais une chose ce qu’est une chose dans quel maintien elle se tient à quelle substance elle substitue la place occupée par elle chose un peu chose chose flotte-t-elle flotte coule-t-elle par le fond tout au fond de l’eau lac ou océan île ou bien néant mes doigts se sont-ils dégourdis alors que nenni mais à quoi tiennent-ils alors mes doigts à quel fil alors se retiennent-ils à quel fil si fin se tiennent à quel fil enfin s’accrochent-ils au fil de l’eau à la surface superficie de l’enfant sur la photo et ses boucles qui bronzinent rivages d’où l’on ne s’éloigne qu’à regret à tort et à regret tout se tient-il donc peut-être mais par quel lien à quoi tout tient ?