« Parce qu’on peut le produire mécaniquement, le kitsch a très bien trouvé sa place dans notre système de production, mieux que le pourrait jamais la vraie culture, sinon par hasard. Son rendement doit être à l’échelle de l’énorme investissement qu’il exige ; il est condamné étendre comme à préserver ses marchés. Bien qu’il soit par essence son propre vendeur, il a néanmoins fallu lui créer un énorme dispositif de vente qui exerce sa pression sur chaque membre de la société. Il y a ainsi des pièges jusque dans les domaines préservés, si je puis dire, de la culture véritable. Dans un pays comme le nôtre, il ne suffit plus aujourd’hui d’avoir un penchant pour la vraie culture, il faut éprouver une vraie passion qui donne la force de résister aux faux-semblants dont chacun est entouré et gavé dès qu’il atteint l’âge des bandes dessinées. Le kitsch est trompeur. Il opère à de multiples niveaux et certains sont si élaborés que l’amateur candide de valeurs peut s’y méprendre. Une revue comme The New Yorker, qui est fondamentalement du kitsch de haute société pour commerce de luxe, transpose et édulcore beaucoup de matériaux d’avant-garde pour servir ses propres fins. D’autre part, tout n’est pas sans valeur dans le kitsch. De temps en temps, il produit quelque chose de valeur, quelque chose ayant une valeur authentique ; et bien qu’il ne s’agisse que de cas fortuits, bon nombre de gens, pourtant avertis, s’y sont laissé prendre. »
Clement Greenberg, « Avant-garde et kitsch »
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