J’ai commencé cette entrée de mon journal en racontant une saynète que j’ai effacée ensuite parce que je n’avais pas envie de la raconter. J’aurais pu. Je l’ai d’ailleurs racontée à Nelly. Mais ce n’était pas franchement intéressant. La pauvre. Oh, n’exagérons rien, tout de même.
Décidément, me dis-je, ce journal ressemble à tout sauf à un journal. N’est-ce pas le but ? Le but ? Non. Il se trouve simplement que c’est comme ça. Les choses s’enchaînent comme ça. Et moi, je constate comment elles sont après coup. Autant dire que tu n’y es pour rien, n’est-ce pas ? Oui. Enfin, non. J’exagère, je sais bien. Mais disons que mes intentions sont longues. Pas courtes. Il faut faire la distinction entre les intentions courtes et les intentions longues. John Cage composait des pièces d’où il voulait exclure toute intention courte. D’où le recours au Yi-Jing, au hasard, et tous les processus de composition qu’il a inventés, découverts, etc., pour faire de la musique. Mais si on exclut les intentions courtes, cela ne signifie pas qu’on abandonne toute intention longue. L’intention longue, chez Cage par exemple, c’est de composer. Mon intention longue, c’est d’écrire. N’importe quoi : des romans, des contes, des poèmes, des essais, des journaux. Tout est bon. Mais, dans le processus d’écriture, il faut faire avec le minimum d’intentions courtes pour que, justement, quelque chose se passe. Ce qui valide — en quelque sorte — l’intention longue. Pour activer l’intention longue, il faut se débarrasser des intentions courtes. Laisser l’écriture avoir lieu, puisqu’on veut qu’elle ait lieu ; — faire et ne rien faire. Le moment de l’écriture doit être aussi vide que possible. Désertique en quelque sorte. Il faut déserter le moment de l’écriture pour que quelque chose s’écrive. D’autant plus périlleux — c’est-à-dire beau — qu’il faut une grande maîtrise pour ne rien maîtriser du tout.
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