27.7.18

Chaud en voiture — la vieille, que papa nous prête parce qu’il ne s’en sert plus, pas l’autre — entre Bonneveine et le Camas. Midi en été.

La dissolution de l’individualité est terrifiante pour celui qui écrit. C’est ce que je pense, en tout cas. Ce qui me semble lié à l’angoisse de n’être pas original, de n’écrire rien que des livres que d’autres auraient pu écrire à ma place. Mais pas dans la musique. C’est sans doute une question d’immédiateté. L’écriture est condamnée à la médiateté. Alors que la musique fait toujours entendre l’immédiat, n’est qu’apparence, pur phénomène, malgré toute la complexité qui se trame derrière. Peu importe tout ce qui est écrit (derrière en quelque sorte), rien de tout cela n’existe tant que ce n’est pas joué et n’existe que dans le moment où c’est joué. N’en va-t-il pas de même pour l’écrit ? Quand est-ce qu’existe l’écrit, l’écriture ? Peut-être jamais. C’est peut-être, mais peut-être que ça n’existe pas. Ce n’est pas ce que je me suis dit en écoutant Didier da Silva jouer chez lui, aujourd’hui, Granados, John Cage, Mompou. Je me suis simplement dit que j’aurais dû apprendre le piano, pour avoir cette faculté à me perdre dans un autre et exister quand même, comme pur phénomène de la musique.

Tarte tatin.

Arithmétique occulte, rappellera Pierre ensuite.

Pourquoi est-ce que j’ai peur de me perdre dans une autre œuvre que la mienne ? Au point que je ne peux pas lire certains livres, pensant mais si je lis ça, je ne serais plus moi, mais un autre (la biographie de Wittgenstein). Un peu comme Leibniz écrivant à Arnaud, ce n’aurait pas été notre Adam, mais un autre. On ne se rend peut-être pas compte en lisant ce genre d’affirmations, de l’abîme ontologique qui s’ouvre devant nous tous, un peu comme le sol qui se dérobe sous nos pieds, comme on dit, le vertige, que nous aurions pu être autres que nous sommes. Peut-être aurions-nous mieux été ? Mais nous n’aurions pas été puisque nous aurions été autre que nous sommes.

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